L’intuition dans les maths ? L’idée paraît saugrenue… Et pourtant, d’Einstein à Henri Poincaré, mathématiques et intuition entretiennent une liaison forte, riche, passionnée, tout aussi intrigante que peu connue.
Bonjour, je suis actuellement en master de mathématiques fondamentales et j’ai un problème : je manque d’imagination en maths. Que me conseilleriez-vous pour développer mon intuition mathématique ? »… Le message, posté sur le forum du très sérieux site www.les-mathematiques.net, a de quoi surprendre le néophyte. En quoi l’intuition a-t-elle à voir avec les mathématiques, cette science considérée comme reine de raison et de logique ? Volant au secours de l’étudiant, un internaute lui répond : « Oui, l’imagination et l’intuition sont bien présentes en mathématiques, plus que dans les autres sciences. L’histoire des mathématiques révèle ainsi des créations intellectuelles aussi inattendues qu’éphémères, liées à un travail permanent de recherche et de maturation intellectuelle. Newton par exemple a eu l’intuition de la gravitation universelle à force de penser à la dynamique des solides et la chute des corps ».
L’intuition au coeur des raisonnements mathématiques
L’intuition serait donc la botte secrète des mathématiciens de génie ? Ce petit plus qui ferait d’eux des trouveurs, des inventeurs, des créateurs ? Cette conception, pour le moins inédite, heurte notre « bon sens rationnel » voulant que l’intuition soit réservée à une certaine catégorie de personnes perçues comme des artistes, des imaginatifs ou des fantasques… Un cliché, si l’on en croit l’écrivain et journaliste Arthur Koesler, qui, dans son livre consacré à la recherche scientifique Le Cri d’Archimède, affirme : «C’est une erreur flagrante que d’assimiler la science à la raison pure et à la logique, comme l’art à l’intuition et à l’émotion. » La connivence mathématiques-intuition est si importante qu’elle a donné lieu, à la fin du XIXe siècle à un mouvement de philosophie mathématique tout à fait surprenant : l’intuitionnisme. Créé par le Hollandais L. E. J. Brouwer, et poursuivi par son disciple Heyting, cette approche non conformiste considère les mathématiques comme une « libre création de l’esprit humain ». L’idée : introduire l’intuition au cœur des raisonnements, au même titre que la déduction.
De hardis cavaliers d’avant-garde
Provocation envers les mathématiques formelles de l’époque, le mouvement de l’intuitionnisme est resté marginal, mais il a séduit nombre de chercheurs. Parmi eux, le génial Henri Poincaré (1854-1912), l’un des plus grands mathématiciens du début du XXe, qui aurait même inspiré Einstein dans l’élaboration de sa théorie de la relativité.* Poincaré, à qui l’on doit la formule lapidaire : « C’est avec la logique que nous prouvons et avec l’intuition que nous trouvons », était coutumier d’éclairs mathématiques intuitifs, qui survenaient à l’improviste, alors que le chercheur était occupé à tout autre chose. Convaincu du rôle de l’intuition dans la science mathématique, Poincaré a même consacré à l’intuition tout le premier chapitre de son livre La Valeur de la science (1905). Selon lui, qu’ils soient « petits ou grands », il distingue d’un côté les mathématiciens intuitifs, qu’il compare à de « hardis cavaliers d’avant-garde » et… les autres, ceux qui « préoccupés de la logique, le nez dans leurs livres, n’abandonnent rien au hasard. » (voir article sur Poincaré et ses éclairs intuitifs).
Intuition, mysticisme et génies mathématiques
Contemporain de Poincaré, Srinivasa Ramanujan (1887-1920), mathématicien autodidacte indien, était aussi connu et respecté pour son intuition prodigieuse. Croyant, il affirmait que ses conclusions mathématiques lui étaient révélés dans des rêves, et qu’elle étaient de nature divine : « Une équation pour moi n’a aucune signification, à moins qu’elle ne représente une pensée de Dieu ». Plus près de nous, Alexandre Grothendieck (né en 1928 à Berlin), considéré comme le plus grand génie mathématique du siècle, est un véritable « geyser d’idées et d’intuitions ». Celui à qui l’on doit d’avoir « réinventé la géométrie algébrique » a phosphoré sans relâche, depuis l’Université de Montpellier, dans le sud de la France, se laissant porter par une imagination débordante, « là où son intuition le guidait ». A la frontière du mysticisme, il est parti en quête du graal des mathématiciens : « le ferment universel, l’unité profonde des mathématiques. »
Quant au génie des scientifiques, Albert Einstein, il tenait l’intuition en si haute estime qu’il disait d’elle qu’elle était pour lui « le seul outil permettant d’accéder aux idées et aux découvertes ». Et le génie de se désoler que l’intuition soit si malmenée dans nos sociétés occidentales : »Le mental intuitif est un don sacré et le mental rationnel est un serviteur fidèle. Nous avons créé une société qui honore le serviteur et a oublié le don. «
Isabelle Fontaine
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