Interview de Dominique Voynet- « L’intuition est une ouverture, une disponibilité aux autres »

Interview de Dominique Voynet- « L’intuition est une ouverture, une disponibilité aux autres »

Ancienne candidate des Verts à l’élection présidentielle, ministre de l’Environnement, sénatrice et maire de Montreuil, aujourd’hui Inspectrice des Affaires Sociales, Dominique Voynet est une femme politique au « solide caractère ». Ce qu’on sait moins d’elle, c’est qu’elle fut médecin réanimateur hospitalier. Une première partie de carrière, au service de l’humain dans des situations parfois extrêmes, qui ont contribué à ouvrir son esprit et utiliser son intuition. Dans cette interview, publiée dans mon livre « Développez votre intuition pour prendre de meilleures décisions », elle  a accepté de parler de ce sujet parfois tabou, avec disponibilité, profondeur et authenticité.

dominique voynet intuition
« Je vois trop de responsables politiques qui essayent d’étouffer leurs émotions, leurs ressentis. Or, dans cette fonction, on doit dégager de la compréhension, être bien ancré dans la vie. Être à la fois dans le terrien, avec des racines bien solides. Et dans l’aérien, avec des feuilles qui seraient comme des antennes pour capter certaines informations subtiles. » Dominique Voynet

– Vous considérez-vous comme quelqu’un d’intuitif ?

Dominique Voynet : « Il est clair que j’ai plus d’intuition aujourd’hui, à 53 ans, que lorsque j’en avais 15. J’ai appris à décrypter les attitudes, les postures, les signaux d’agacement, de peur, chez les autres. J’ai remarqué qu’on ne met pas tous la même chose quand on dit “j’ai de l’intuition”. Certains y projettent leurs angoisses, leurs craintes, leurs préjugés. Finalement, les situations dans lesquelles on mobilise vraiment cette intelligence sensible, pour parvenir à un résultat probant, ce n’est pas si fréquent. »

– L’intuition est très « physique » pour vous, pouvez-nous expliquer cela ?

D. V. : « Pour moi, cela relève clairement de sensations corporelles. L’intuition se nourrit de sens. La peur par exemple, je peux la sentir chez mon interlocuteur de manière presque physique. Elle a véritablement une odeur. Est-ce une transpiration, une sueur, une haleine particulière, je l’ignore. Toujours est-il que cela me met dans un état de vigilance particulier. De concentration aiguisée. Ce n’est pas une manière de réfléchir en se refermant sur soi. Au contraire, c’est une ouverture, une disponibilité aux autres. Je suis alors comme une éponge, je me laisse imprégner par une ambiance. »

– Avez-vous parfois été trahie par une intuition ?

D. V. : « Ce qui me vient à l’esprit est plutôt d’avoir été trahie par le fait de ne pas l’avoir écoutée. Par exemple, lorsque j’ai été candidate aux élections présidentielles, je n’avais pas envie d’y aller. Je ne le sentais pas. Mais je me suis laissée convaincre par mes proches, alors que tout en moi me disait de ne pas le faire. Le résultat a été conforme à ma réticence intérieure : j’ai fait un résultat décevant. Lorsque je me suis présentée à la mairie de Montreuil, c’était tout l’inverse. En apparence, les signaux ne m’étaient pas favorables, mais moi, je savais que j’allais gagner. »

– Croyez-vous à l’intuition en politique ?

D. V. : « Là où l’intuition me sert en politique, c’est pour sentir une salle en meeting, par exemple. Je sens ce qu’il faut dire ou pas, sur qui je peux m’appuyer pour la faire vivre. Il existe selon moi un lien entre ambition et intuition. Quand on a de l’ambition, pour soi, pour les autres, on mobilise toutes les ressources à sa disposition pour y arriver. Et l’intuition en fait partie. Je vois trop de responsables politiques qui essayent d’étouffer leurs émotions, leurs ressentis. Or, dans cette fonction, on doit dégager de la compréhension, être bien ancré dans la vie. Être à la fois dans le terrien, avec des racines bien solides. Et dans l’aérien, avec des feuilles qui seraient comme des antennes pour capter certaines informations subtiles. »

– Dans votre expérience de médecin réanimateur-anesthésiste, votre intuition était-elle utile ?

D. V. : « Dans cette spécialité, il est essentiel de garder son sang- froid. À l’époque du naufrage d’Erika sur les côtes bretonnes, en 1999, cette phrase très polémique que l’on m’a reprochée, « Ce n’est pas la catastrophe du siècle »,  alors que j’étais  ministre de l’Environnement, était une réaction directement liée à mon expérience de médecin. Le grand calme intérieur de celui qui doit faire face à une catastrophe. Je voyais bien que c’était grave. Que les gens étaient désespérés. En réanimation, l’intuition, c’est ce qui permet de s’orienter quand on est dans le brouillard. Quand la personne a décidé d’arrêter de lutter pour vivre, on le sent. Il n’y a pas que les signes objectifs tels que la teinte de la peau ou le regard éteint qui entrent en jeu. L’équipe le sent, le sait. À l’inverse, on sait aussi quand ça va repartir. »

– Vous avez vécu une histoire étonnante à ce propos, pouvez- vous nous la faire partager ?

D. V. : « Un jour, on m’a amené un patient, décédé. Je devais le préparer en vue d’un don d’organe. Je me mis à procéder à tous les gestes nécessaires, lui raser le torse, faire la prise de sang, etc. Il faut trois encéphalogrammes complètement plats pour déclarer officiellement la mort. Au moment de lui faire le troisième – les deux premiers ayant été négatifs –, il a ouvert les yeux, d’un coup. Il était vivant. Le patient nous a raconté tout ce qui s’était passé pendant ces heures, ce que l’équipe médicale avait fait et dit. Je ne sais pas comment c’est possible, il avait un encéphalogramme plat, mais je constate que c’est arrivé. Pour en revenir à l’intuition, ce qui est notable, c’est que j’avais minutieusement procédé à tous les gestes de préparation en vue du don d’organe. Mais, au fond de moi, ma conviction profonde était que ce n’était pas fini pour lui. »

– Quel regard portez-vous sur la manière dont on déconsidère l’intuition dans notre société ?

D. V. : « On nous a appris à censurer nos émotions, nos sens, le sensoriel. On vit dans un monde d’apparente liberté, mais très normé, ne serait-ce que sur le plan de l’habillement. On n’écoute pas les signaux de son corps. Je n’ai pas la foi, mais quand je lis des textes saints qui décrivent Dieu comme un principe diffus qui est partout, ça m’interpelle. L’intuition, c’est un peu comme ça pour moi. C’est partout, même quand je ne suis pas là. Ça se nourrit des plaisirs, d’amours, de chagrins d’enfants, de moments passés avec ses amis… Toute notre expérience de vie, comme disent les sages d’Afrique. »

Propos recueillis par Isabelle Fontaine
www.histoiredintuition.com

1 commentaire

  1. Hélène Rey Ruf

    Bonjour Isabelle,

    Je me suis inscrite pour le seminaire de ce wk, ainsi que du lundi et mardi, mais je suis tombée malade et ne vais pas pouvoir certainement venir ce wk à Paris! Si cela va mieux est ce possible d’intégrer le groupe lundi et mardi?

    Avec mes cordiales salutations

    Hélène Rey Ruf

    Envoyé de mon iPhone

    >

    Réponse

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